Les personnes qui consomment des substances dans notre société sont stigmatisées et sont victimes de pratiques discriminatoires et inéquitables en milieu de santé. Les relations avec les professionnel.le.s peuvent être difficiles, et les possibilités de consommer sécuritairement lors d’une hospitalisation sont réduites et voire même pratiquement impossible. Malheureusement, cela n’est pas sans conséquence, car la perte de confiance envers le système de santé et la difficulté d’y naviguer en étant respectées amènent les personnes à l’éviter jusqu’à ce qu’il y ait une détérioration importante de leur santé.
Selon la Cour suprême du Canada : « La dépendance est une maladie. L’un des aspects de cette maladie est l’état de manque ou le besoin constant de la personne qui en souffre de consommer la substance dont elle est dépendante ». Les personnes hospitalisées qui vivent une dépendance à une ou de plusieurs substances ne peuvent pas subitement arrêter leur consommation. Le système de santé a la responsabilité de mettre en place des mesures sécuritaires pour parvenir à combler leur dépendance et ainsi, leur donner des soins appropriés à leur condition. Malheureusement, cela n’est pas la réalité vécue par les personnes qui ont une dépendance, en particulier par celles qui consomment par injection.
Depuis de nombreuses années, le Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) recommande de fournir et de rendre disponible du matériel de consommation neuf et stérile pour chaque injection. Cependant, les centres hospitaliers du Québec tardent à suivre ces recommandations et ne procurent pas le matériel nécessaire pour que les personnes puissent consommer sans risque. Il est donc inconcevable qu’encore aujourd’hui les personnes qui consomment par injection et qui sont hospitalisées doivent se procurer du matériel sécuritaire par leurs propres moyens (p. ex., par l’entremise d’un proche et d’intervenant.e.s d’organismes communautaires), ce qui est complexe, voire impossible.
Trop souvent la dépendance des personnes hospitalisées n’est pas prise en compte dans leur traitement, ce qui fait qu’elles ressentent souvent plus de douleur que les autres personnes hospitalisées et qu’elles sont à risque de sevrage, lorsqu’on s’expose à une situation de manque. Ces traitements qui ne sont pas adaptés à leurs besoins et l’absence de matériel stérile mettent à risque leur vie. En pleine crise des surdoses, il est urgent d’agir dans l’ensemble des services et ainsi mettre à leur disposition les ressources nécessaires pour qu’elles puissent avoir accès à des soins de santé sans être confronté à vivre des symptômes de sevrage et de consommer sans risque d’infection par l’utilisation de seringue souillées ou de surdose.
L’offre de services en réduction des méfaits pour les personnes hospitalisées est devenue une approche incontournable qui a fait ses preuves, bien que les milieux de santé tardent encore à l’appliquer. La ville d’Edmonton a décidé de faire autrement en créant le premier centre de consommation a même un hôpital. Sachant que les personnes avaient du mal à accéder à des soins adaptés à leur condition, cela a été mis en place pour réduire les possibilités qu’elles quittent l’hôpital avant la fin de leur traitement médical ou qu’elles se cachent dans des endroits qui augmentent les risques de surdoses, tels que les toilettes.
Ce qu’il faut comprendre c’est que de considérer la consommation de substances illicites dans le plan de traitement des personnes qui sont hospitalisées permet non seulement de leur permettre d’avoir accès à des soins dans de meilleures conditions, mais leur garantit aussi la sécurité, la dignité et la vie en réduisant les risques de surdoses ou les risques d’infections qui peuvent mener à la mort. Pour ce faire, il faut sans l’ombre d’un doute mieux former les professionnel.le.s pour valoriser un traitement adapté aux besoins des personnes qui consomment (p. ex., ajustement des doses d’antidouleur) et une approche de réduction des méfaits à même les milieux hospitaliers (p. ex., un site de consommation supervisée), et ce, afin de sauver des vies. Une utopie ? Non, une nécessité, car des personnes meurent devant l’inaction des instances face à leur dépendance.
Caroline Leblanc
Projet de recherche F.A.C.E : Candidate au doctorat en santé communautaire- faculté de médecine et science de la santé - Université de Sherbrooke
« Il est important pour moi de rester engagé à travers mes travaux de recherches et de mettre au coeur de mes actions la défense de droits afin qu'on puisse vivre dans un monde plus juste et équitable. Puis pour y parvenir, il est incontournable de valoriser et considérer davantage la voix et les compétences des personnes touchés par les inégalités et les injustices sociales en santé dans les différents projets qui les interpellent »