On sait aujourd’hui que les substances psychoactives sont consommées depuis toujours, disons très longtemps, mais qu’en est-elle de sa gestion ?
Voici un aperçu en vitesse « grand V » :
Des auteur.e.s estiment la découverte et l’utilisation de plantes psychotropes entre le premier millénaire de notre ère à 10 000 ans avant Jésus-Christ. Pourquoi s’en servaient-ils ? Comment leur utilisation a-t-elle évolué dans le temps ?
Selon notre connaissance, les chamanes des époques paléolithiques et mésolithiques et, plus tard autochtones, utilisaient les plantes psychoactives, en particulier les plantes hallucinogènes, pour se connecter avec le surnaturel, le sacré, et pour soigner les maux physiques et psychiques.
Ensuite, la Grèce antique est devenue un pilier important dans la démocratisation de la consommation de substances : la médecine « moderne » s’est développée et l’usage récréatif qui consiste à consommer pour le plaisir était permis et toléré, selon les préférences de chacun.e.
À l’ère industrielle, les changements sociaux et économiques importants ayant eu lieu ont mené à des blessures de guerre et des accidents de travail de plus en plus nombreux et graves, tout en demandant toujours plus de productivité. Au même moment, l’essor scientifique et technologique a mené à la découverte et à la création de substances psychoactives plus concentrées et puissantes, notamment pour le domaine médical. Ceci s’ajoutant à des importations plus nombreuses de spiritueux, de coca, etc. Ainsi, les substances psychoactives, comme l’alcool, les médicaments psychotropes et les stimulants, étaient consommées pour s’adapter aux conditions de travail difficiles et soulager la douleur. Les conséquences de la consommation se faisaient de plus en plus sentir et une stratification selon les classes de la société apparut. De plus en plus, la consommation de substances psychoactives problématique est perçue comme un vice, mais seulement, ou presque, chez les personnes les plus pauvres : drogues + pauvreté = criminalité.
La consommation de substances psychoactives est de plus en plus pointée du doigt pour la déstabilisation des valeurs morales puritaines du moment et pour ses ravages. Par exemple, la consommation d’opium menait à la perversion des femmes blanches, puisqu’elles entretenaient des rapports insidieux avec les Chinois, principaux importateurs et propriétaires des fumeries. Ceci a entrainé la première loi contre l’usage et le trafic d’opium. Ce même schéma se produisit pour d’autres substances et d’autres communautés, comme les Afro-américains et la cocaïne ainsi que les Mexicains et le cannabis. Ces lois ont été mises en place malgré des oppositions et un manque de données scientifiques sur le sujet. La prohibition a donc été adoptée principalement pour des raisons économiques, de religion et de racisme. Le Code criminel et la répression policière sont, dès lors, devenus les principaux outils utilisés pour lutter contre l’usage et le trafic des drogues.
L’alcool a suivi un chemin légèrement différent. Bien qu’il ait été pointé du doigt comme source d’une multitude de problèmes, comme la baisse de la productivité, les accidents de travail et la violence conjugale, sa gestion a été décidée par la tenue de référendums. Principalement pour des enjeux politiques, le gouvernement fédéral a décidé de donner le choix aux provinces : le Québec a été le seul à voter contre la prohibition et à créer une commission des liqueurs. Comme on le constate aujourd’hui, la prohibition de l’alcool a été un échec en Amérique, d’où pourquoi il est tout à fait normal de consommer une bière sur une terrasse l’été venu contrairement aux autres drogues.
Kristelle
Kristelle Alunni-Menichini et Andrée-Anne Légaré en tant que chargées de cours, Cours « Aspects socioculturels de l’utilisation de psychotropes » (TXM110), Certificat en toxicomanie, Université de Sherbrooke
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Chercheure postdoctorale à l’Université de McGill et l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, Boursière pour la recherche axée sur le patient – Transition vers un chef de file, Phase 1, Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC)
« J’aimerais, par mes recherches, améliorer les pratiques faites auprès des personnes aux prises avec des problèmes complexe de dépendance et les services qui leur sont offerts, mettre en place des activités collaboratives et inclure ces personnes dans mes différents projets. »