Dans le domaine de l’intervention en matière de consommation de substances, deux approches majeures se démarquent : la réduction des méfaits et la réduction de l’usage. Bien que les deux visent à améliorer le bien-être des individus, leurs principes, méthodes et objectifs sont distincts. Ce texte vise à cerner les éléments communs et les différences entre l’approche de la réduction de l’usage et de la réduction des méfaits.
La réduction de l’usage vise à diminuer ou, dans sa forme la plus radicale, à éliminer complètement l’usage de drogues, soit l’abstinence. Cette approche se retrouve dans tout le continuum de l’intervention, allant de la promotion de la santé, à la prévention, et aux programmes de traitement pour aider les personnes à diminuer ou arrêter de consommer, ainsi que dans les politiques, les lois, les mesures et les règlements visant à décourager, diminuer ou réduire l’attrait de l’usage de drogues. Par exemple, retarder l’âge d’initiation, diminuer la fréquence de l’usage, les quantités de substances consommées, la durée d’un épisode de consommation ou la variété de substances utilisées par la personne (p. ex., arrêter le cannabis et continuer l’usage d’alcool) sont des objectifs relevant de cette approche.
La réduction des méfaits en revanche cherche plutôt à minimiser les risques et les conséquences néfastes pour la santé, physique, mentale et sociale, ainsi que la sécurité des personnes qui consomment des drogues et de la communauté en général.
Un exemple de réduction des méfaits est celui de services comme Nez rouge, un service de raccompagnement offert durant le temps des fêtes pour éviter que les personnes intoxiquées par l’alcool ou d’autres drogues ne conduisent un véhicule en ayant les capacités affaiblies. Les personnes ne sont pas encouragées à moins consommer (bien au contraire!), l’objectif est de réduire les accidents de la route.
L’approche de réduction des méfaits repose sur ces deux principes fondamentaux.
Le principe humaniste implique de respecter et valoriser la diversité d’opinions et les choix en matière d’usage. Ce principe est en opposition à l’attitude paternaliste traditionnellement présente dans soins en santé. Autrement dit, ce principe encourage et soutient l’autonomie et le pouvoir d’agir (empowerment) des personnes concernées en s’appuyant sur le respect de leurs droits et de leur autodétermination. Il fait également appel à une offre de service adaptée aux différents besoins des individus et à des seuils d’exigence qui varient en conséquence.
Le principe de pragmatisme repose quant à lui sur une évaluation des actions selon leurs conséquences à court, moyen et long terme dans un rapport coût-bénéfice, c’est-à-dire en fonction du ratio des inconvénients et avantages. L’intervention doit tenter de préserver les avantages de la consommation et limiter les inconvénients, par exemple, consommer de l’alcool pour festoyer, mais ne pas prendre sa voiture. Ce pragmatisme s’oppose à l’idéalisme d’une société sans drogue et d’une propagande antidrogue et invite à hiérarchiser les objectifs d’intervention selon leur priorité et leur réalisme.
Pour réduire les conséquences négatives de l’usage de substances, l’intervention en réduction des méfaits propose d’évaluer et de modifier le contexte de consommation ainsi que la façon de consommer. Il s’agit par exemple de ne pas consommer seul, d’être dans un bon état d’esprit avant de consommer, de prévoir du temps de récupération post-intoxication, d’éviter les mélanges pour diminuer le risque de surdose, etc. Lorsque les mesures de réductions des méfaits amènent l’individu à privilégier certains contextes usage moins risqués, elles ont indirectement pour effet de potentiellement réduire la fréquence et la quantité, donc l’usage. Cependant, dans sa version puriste, la réduction des méfaits ne mise pas sur la réduction de l’usage pour atteindre ses objectifs et ne passe pas via celle-ci.
Ces deux approches peuvent se compléter et même se chevaucher en termes d’impact sur les comportements liés à la consommation de substances comme l’illustre la figure ci-dessous.
Ces deux approches peuvent se compléter et même se chevaucher en termes d’impact sur les comportements liés à la consommation de substances comme l’illustre la figure ci-dessous.
Pour conclure, ces deux approches distinctes offrent un éventail de stratégies qui peuvent être adaptées aux besoins et aux circonstances uniques de chaque personne ou groupe visés par l’intervention.
Professionnelle en transfert de connaissance et spécialiste en dépendance à l'Institut université sur les dépendance, et chargée de cours, Université de Montréal
« Je suis une personne curieuse qui aime en apprendre continuellement sur l'humain et les différentes dimensions de l'existence. Mon travail consiste à partager et faire connaître les savoirs scientifiques, cliniques et expérientiels sur l'usage et la dépendance aux substances psychoactives. »
Professeur agrégé, École de psychoéducation, Université de Montréal,
Chercheur régulier à IUD, CReSP, RISQ et Équipe Renard,
Rédacteur en chef de Drogues, santé et société (DSS)
« Je suis un chercheur engagé et militant. Je suis animé par la justice sociale en général et la déstigmatisation de l’usage de drogue en particulier. Je suis moi-même une personne utilisatrice de drogue et je cherche à changer les politiques et les représentations des drogues, et des personnes qui en consomment, dans notre société. »
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